Morsure de chien. L'arbre qui cache la forêt.

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Dr Jeremie ROOS pour la Revue Hypnose et Thérapies Brèves 74. Comment une attaque de chien peut faire remonter des angoisses anciennes et profondes. Ou, comme le dit l’auteur, quand l’arbre du psychotrauma cache la forêt du monde relationnel traumatique...

Dans ces situations les personnes disent qu’elles n’auraient jamais pensé à consulter un thérapeute sans cet événement tragique. Ainsi les personnes perçoivent bien le Problème comme quelque chose d’extérieur. Par exemple, si elles se sentent mal, « c’est à cause de ce foutu camion qui m’a percuté et où j’ai cru mourir, et depuis je suis incapable de reprendre le volant » ; ou « à cause de ce nouveau patron qui me harcèle et à cause de lui j’ai la boule au ventre avant d’entrer sur mon lieu de travail ».

Dans ces problématiques circonscrites à un contexte, bien que l’effet puisse s’en faire sentir au-delà, l’approche stratégico-solutionniste centrée sur l’action peut fonctionner rapidement, et la relation patient-thérapeute est relativement facile à mettre en place. • Les traumas décontextualisés. Ici les personnes viennent consulter parce que la Vie est un accident.

Un champ de ruines, un champ de mines, un champ de bataille, un no man’s land. Dans ces situations la méfiance est extrême, au point qu’elle puisse être habilement dissimulée, derrière un grand sourire par exemple. Elle est parfois si bien dissimulée qu’elle l’est au patient lui-même, qui peut être dans l’illusion de la confiance, « je vous fais confiance à 100 % docteur... ». Il n’est pas inhabituel alors que le patient soit déconnecté de son ressenti corporel par le blocage dissociatif où l’a enfermé le problème auquel il est confronté. N’allons d’ailleurs pas croire que les personnes qui sont coincées dans un monde de guerre, en mode survie, soient forcément précaires sur le plan socio-économique, isolées, handicapées, dépendantes et en position de victime. Les Tentatives de solutions d’hypercontrôle et de perfectionnisme, développées pour survivre et ne pas être abandonné au milieu du champ de bataille, peuvent parfois mener de brillantes carrières aussi bien intellectuelles qu’entrepreneuriales ou managériales, selon que ce soit la réflexion ou l’action qui soit privilégiées comme mode d’expression de cet hypercontrôle. Dans toutes ces situations où c’est la Vie qui est le Problème, les approches stratégico- solutionnistes risquent d’être amenées à échouer, notamment pour deux raisons :

1. Il est probable que même derrière l’illusion d’une bonne coopération il y ait un doute sur les intentions du thérapeute. Si on envisage une approche stratégique, ce doute empêchera le patient de réaliser les éventuelles tâches stratégiques de la façon prescrite, et donc empêchera que le « U-Turn » ne soit réellement réalisé, ce qui sera contre-productif. Si on envisage une approche solutionniste, le doute empêchera le patient d’entrer dans l’exploration de la dimension ressource, ne percevant pas l’intention positive derrière le fait de ne pas travailler côté problème.

2. Si on envisage une approche solutionniste, le patient risque de ne pas pouvoir s’appuyer sur l’exception, le doute ne pouvant être levé sur les intentions des personnes avec qui il partage ce moment ressource. Par exemple : « Oui, mon grand-père m’aimait, mais il aimait tous ses petits-enfants, donc même un gros nul comme moi… » Et même s’il rentre dans l’expérience de l’exploration d’une exception ou d’une expérience ressource, il ne pourra pas s’appuyer sur celle-ci dans d‘autres contextes, comme si l’exception restait sans lien avec le reste du Problème. Ainsi, en l’absence de liaisons associatives entre les situations où le problème est présent, il y aura toujours un nouveau problème à régler. Cela risque de conduire à la dépendance au thérapeute, ou au retour à l’errance thérapeutique en l’absence d’amélioration générale. Par ailleurs, dans ces situations où la Vie est un accident, qui vont des troubles de l’attachement et leurs conséquences aux traumas complexes les plus graves, les personnes en viennent à faire un amalgame entre leur identité et le Problème. En effet, en observant toutes les situations où le Problème est présent, elles ne voient pas d’autres points communs qu’elles-mêmes, et en arrivent à la conclusion que « le problème c’est moi, il est en moi, il y a quelque chose qui ne tourne pas rond chez moi ». Elles ne peuvent pas percevoir qu’autre chose est toujours présent dans ces moments-là : Le Problème lui-même, qui s’est caché derrière elles en leur soufflant à l’oreille : « ce n’est pas moi, c’est toi qui as provoqué ça ». Ce piège du problème se referme alors, amenant les personnes à être condamnées à devoir cohabiter éternellement avec le Problème, étant dans l’impossibilité de s’amputer de la partie problème d’elles-mêmes.

Dans ces configurations la stratégie thérapeutique ne sera pas de faire un travail de résolution de problème, mais plutôt un travail de dissolution de problème. Ce travail de dissolution de problème nécessite de se concentrer avant tout sur la mise en place et le maintien d’une relation thérapeutique de bonne qualité. Lorsque la relation patient-thérapeute sera suffisamment solide, il sera possible de commencer à modifier la relation au problème, via un travail d’externalisation du problème. Cette mise en place d’une relation de confiance suffisante pour travailler la relation au problème va être ardue, car quand la Vie est le Problème, la personne ne peut se concevoir comme ayant de la valeur à un niveau affectif. En effet, le Problème l’empêche de voir que quiconque puisse éprouver un intérêt sincère et désintéressé pour établir une relation avec elle. Le Problème va essayer de faire croire que la confiance dans la relation humaine n’existe pas, et de faire percevoir l’autre comme ne pouvant être qu’intéressé ou mal intentionné.

C’est dans ce type de contexte que la TLMR (1) et la Thérapie narrative sont les plus utiles pour soutenir le travail du thérapeute. Il arrive bien souvent que les choses soient présentées de manière très claire dès le premier entretien, guidant l’approche stratégique à avoir avec la personne qui vient consulter. Mais parfois l’arbre du psychotrauma cache la forêt du monde relationnel traumatique...

LE CAS DE ZOHRA

Pour illustrer cela, je vous propose de vous présenter le cas de Zohra. Zohra a 31 ans mais elle en paraît dix de plus, elle a réussi…

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Dr Jeremie ROOS
Médecin psychiatre, psychothérapeute et formateur en psychothérapies. Formé à l’hypnose, thérapies brèves, TLMR et thérapie narrative. Exerce en libéral à Aix-en-Provence.

 

Revue Hypnose Therapies Breves 74Commandez la Revue Hypnose & Thérapies brèves n°74 version Papier

N°74 : Août / Sept. / Octobre 2024

La puissance thérapeutique de la relation humaine

Julien Betbèze, rédacteur en chef, nous présente ce n°74 :

Si la prise en compte du corps relationnel est au centre des changements en thérapie, cela implique pour le thérapeute d’être attentif au contexte relationnel favorisant les processus dissociatifs. Et pour favoriser les processus de réassociation, le thérapeute doit être en capacité de modifier les interactions qui entretiennent le problème.
. Nathalie Koralnik, dans un texte clair et pédagogique, nous montre comment la prescription du symptôme permet à des parents consultant pour des problèmes récurrents, avec une escalade symétrique de disputes et de crises, de retrouver une relation éducative positive, les parents pouvant s’investir dans un rôle de co-thérapeutes. L’approche stratégique, lorsqu’elle est pensée de manière coopérative, est vraiment un outil de choix pour sortir des impasses relationnelles.


Delphine Le Gris nous parle de Mélanie, une jeune femme en grande souffrance après une rupture sentimentale où la relation de couple était depuis longtemps perçue comme maltraitante. En s’immergeant dans l’histoire de sa patiente, l’image de la mer et de l’eau est apparue, avec des vagues réparatrices permettant de retrouver les ressources enfuies et de rendre possible l’oubli des relations difficiles emportées au large. Nous voyons ainsi l’importance pour le thérapeute de se connecter à l’histoire racontée par le sujet pour ouvrir un imaginaire partagé, dans lequel la vie relationnelle va reprendre sa place.

Michel Dumas évoque l’histoire de Stéphanie, confrontée à la déliquescence de la relation avec son mari qui, le plus souvent, met en scène sa tristesse et se réfugie devant son téléviseur. Elle ne parvient pas à aborder avec son conjoint cette situation où elle se sent de moins en moins aimée, car elle a peur d’un conflit qui provoquerait les conséquences qu’elle redoute. Après un recadrage : « si tu fais l’agneau, tu trouveras le loup qui te mangera », le thérapeute prescrit trois tâches stratégiques possibles pour sortir de ce cercle vicieux relationnel.

 Jérémie Roos nous raconte comment la situation bloquée de Zohra, attaquée par un chien, a pu évoluer grâce au sous-main de son bureau utilisé comme une scène imaginaire. Celle-ci permettra l’émergence de nouvelles formes relationnelles, ouvrant de nouveaux possibles grâce au soutien de la relation thérapeutique.

Gérard Ostermann nous présente la synthèse effectuée par,  Michel Ruel, à partir du travail de la CFHTB, sur l’utilisation de l’hypnose pour faire face à la souffrance au travail. Il rappelle l’importance de différencier le pré-effondrement de l’effondrement dans ces prises en charge. L’illustration clinique de la situation inquiétante d’un cadre d’entreprise subissant un début de désocialisation met en évidence l’intérêt du travail avec les métaphores pour retrouver des objectifs atteignables.

Morgane Monnier, quant à elle, nous présente l’intérêt de l’hypnose et des thérapies brèves pour améliorer les prises en charge en psychomotricité.Dans le dossier thématique « Thérapie et relation ».

Géraldine Garon et Solen Montanari mettent en lumière la puissance thérapeutique de la relation humaine lorsque le thérapeute et le patient entrent dans un processus de co-construction par un travail de questionnement permettant l’émergence d’un imaginaire partagé. Elles montrent, à travers les situations de Lou (qui se plaint de tics) et de Mathilde (présentant un excès de poids), comment l’externalisation nourrit le processus thérapeutique en favorisant l’accordage. Cet article décrit très bien l’apport de la TLMR à la mobilisation des ressources et au repositionnement du sujet. .

A partir de trois situations cliniques, Charlotte Thouvenot décrit avec précision l’importance de la carte du remembering pour retrouver une relation vivante et faire l’expérience de l’estime de soi.

Olivier de Palézieux développe une meilleure compréhension du concept d’empathie, au centre de la relation. Pour cela, il en décrit l’historique et les variations de sens. Il illustre l’intérêt de sa réflexion à propos du cas de Lucas présentant un TSA (trouble du spectre autistique).

Vous retrouverez la chronique de Sophie Cohen sur une première consultation autour de la détresse conjugale et des réseaux sociaux, celle de Sylvie Le Pelletier-Beaufond « Passer les portes secrètes et apaiser les craintes ». Tandis que Stefano Colombo et Muhuc vous feront découvrir ce qui peut se cacher derrière la « peur du conflit ».

.  Livres en bouche du mois.