Ne plus avoir peur chez le pédiatre.

Hypnose en pédiatrie
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CORENTIN, LE CHIEN ET LE PIED...

Dr Véronique LAPLANE, Médecin pédiatre. Exercice en libéral depuis 1990. Directeur technique pendant dix-neuf ans au CAMSP Albertville-Tarentaise où se pratiquaient des consultations conjointes pédiatrepsychologue afin d’aborder les enfants dans leur globalité. Formée à l’hypnose et en thérapie narrative (GEMA, ARePTA-IMHENA Nantes, Hypnosium). 

Maman présente, voix chuchotée et paroles rassurantes, jeu de pied, jeu de main... L’apprentissage s’est bien passé, Corentin n’aura plus peur chez le médecin.

 

Corentin vient au cabinet depuis l’âge de 12 jours avec un de ses parents ou les deux. Souvent il s’agissait de faire les consultations pédiatriques mensuelles, puis trimestrielles, pour vérifier son évolution globale point par point (alimentation, sommeil, progrès en motricité, évolution du langage, courbes de mensurations...), parler puériculture, mais aussi pour faire les vaccins. Les vaccins, ça inquiète les parents et fait souvent pleurer les enfants malgré l’utilisation d’un anesthésiant local. Je crois aussi que mes mains froides, que j’arrive rarement à réchauffer, sont un handicap pour ma spécialité. J’ai besoin de compenser cet inconvénient par le regard et la parole avec l’enfant et ses parents pour garder le contact. Corentin est parfois passé par des moments où j’ai eu besoin de regarder ses tympans : il était couché, tenu par un de ses parents, pour qu’il ne bouge pas et que je voie bien à l’intérieur de ses deux conduits auditifs, étroits et sinueux. Même si l’intention était bonne – « c’était pour le bien de Corentin » –, il reste certainement une trace du registre de la peur dans sa mémoire.

A l’âge de 20 ou 24 mois, les enfants n’ont plus de vaccin, et en général il est assez facile de les rassurer. Pendant la durée d’une consultation, l’alliance se met en place rapidement. Le médecin et les parents ont alors le plaisir de pouvoir observer les progrès de leur enfant au niveau de son comportement et de son langage. Pour Corentin, nous avons dû attendre quelques mois. Je le vois donc à l’âge de 2 ans et 4 mois. Quand je suis allée le chercher, il était seul avec sa maman, debout contre elle, dans la salle d’attente si vide, sans jouets et sans livres depuis la pandémie. En passant la porte, je l’appelle par son prénom. Il ne me regarde pas, mais vient la tête penchée vers le sol en donnant la main à sa maman. En rentrant dans le bureau, j’avance un petit fauteuil blanc pour qu’il s’y assoie éventuellement. D’habitude je propose ce petit fauteuil blanc, en bois, ou une « chaise de grand » verte, en plastique : les enfants peuvent choisir ce qui rassure ou ce qui montre qu’on a grandi et qu’on n’a « même pas peur ».

 LA CONSULTATION COMMENCE...
- Pédiatre : « Si tu veux, tu peux t’asseoir sur cette petite chaise. Peut-être que tu seras mieux sur les genoux de ta maman ? » Nous nous installons, la maman sur le fauteuil pour les parents, Corentin sur ses genoux. Je suis assise derrière mon grand bureau en bois un peu en désordre, sur lequel sont posés l’écran de l’ordinateur sur le côté gauche, le clavier, la souris, des tampons, des stylos sur le milieu du plateau et deux flacons de gel hydroalcoolique, et une pile de papiers pas vraiment rangés. De l’autre côté, la maman est calme, son visage est serein, cela me rassure. Corentin est blotti sur les genoux de sa maman, bien contre elle. Il tient avec fermeté son petit doudou contre son visage. Est-ce qu’il sent son odeur ? Est-ce que c’est le contact tout doux qui le rassure ? Ou les deux ? Ou encore autre chose ? Il ne me regarde toujours pas. Il ne bouge pas.
 
- P. : « Tu as l’air triste Corentin, ou peut -êt re que tu as peur ou que tu es fatigué ?

- La maman : C’est un peu tout, je crois. » Nous décidons avec la maman du but de la consultation : « Terminer l’examen de 24 mois ». Il s’agit d’une consultation assez standardisée qui permet de vérifier l’évolution de chaque enfant et qui se termine par la rédaction d’un certificat médical. Pour moi, avant de « terminer la consultation », il va falloir d’abord créer une alliance avec mon jeune patient. Peut-être que nous aurons besoin d’un autre rendez-vous. Nous allons voir ce qui se passe avec Corentin. Je vais faire différemment de toutes les autres consultations et nous allons voir comment il s’empare du changement.
 

L’ENTRÉE EN RELATION AVEC CORENTIN
 
Aujourd’hui, je dois être très attentive pour m’accorder avec Corentin. Son activité est faible. Il va falloir que je prenne du temps, que je reste sur des « exercices basiques ». Je prends dans une boîte en métal qui ressemble à une maison et qui contient des figurines Playmobil : une maman, un bébé, une poussette, un garçon, un chien, un cheval. Il y a aussi une petite voiture, un écureuil et un prince qui ont été oubliés par d’autres enfants. Je les pose sur le bureau en nommant chaque figurine, en les alignant plus ou moins. D’habitude, quand l’alliance me paraît déjà en place, je prends des images, mais cette fois je choisis un support qui se touche et se manipule. Pour le moment, avec Corentin, je vais juste chercher à entrer en relation.
- P. : « Reste sur les genoux de ta maman. Comme ça, c’est très bien. Madame, je vais vous demander de me laisser faire. Ça vous va ? Je nomme chaque figurine une à une, tantôt à droite tantôt à gauche, en observant attentivement Corentin. Un côté puis l’autre me permet de suivre le mouvement des yeux.
 - P. : Où est le chien ?... Un moment passe. Je le vois lever la tête, puis les yeux, et regarder vers la figurine nommée.
 - P : Où est la maman ?... OK.
 - P : Où est l’écureuil ?… OK.
- P. : Et la voiture ?...
- P. : Et le prince ?... » Etc.
 Nous allons pouvoir continuer avec les figurines.

- P. : « Maintenant, tu vas donner à Maman… le chien... OK… la voiture… OK… l’écureuil… OK… »

 La maman en a plein les mains. On enchaîne avec la voix chuchotée pour le dépistage de la voix chuchotée, d’abord avec les figurines, puis avec les images du test qui est validé pour cet âge. Corentin et sa maman ont été surpris par ce que j’ai proposé. Corentin a levé la tête, son visage paraît moins tendu et il a agi sur ma demande. La relation est en place. Nous allons pouvoir passer à l’étape suivante...

 FOCALISATION SUR LE PIED, LA MAIN... ET OK À RÉPÉTITION
Je demande à la maman de venir s’asseoir dans la partie de la pièce qui sert pour l’examen clinique. Maintenant le...

 

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Revue Hypnose Therapies Breves 70

 N°70 : Août / Septembre / Octobre 2023
Voici le sommaire, présenté par Julien Betbèze, rédacteur en chef :


. Anne Malraux décrit, à travers plusieurs séances de thérapie avec Syriane, comment celle-ci va retrouver des ressources, malgré la force du processus dissociatif. Dans cette histoire le personnage invisible du ''dévalorisateur-squatteur'', pilier de la dissociation, devient visible grâce au questionnement externalisant. Il perd son pouvoir et les ressources relationnelles peuvent émerger pour que Syriane retrouve sa fierté et reprenne des initiatives porteuses de sens.

.Cédric Gueguen nous entraîne à « surfer » sur les vagues de la confiance avec les sportifs de haut niveau. Il nous emmène en Polynésie pour saisir la puissance de la mémoire du corps amplifiée par l’entraînement hypnotique.

.Sophie Tournouër illustre, à travers la situation clinique de Daniel, l’apport de Guy Ausloos à la compréhension de ''l’acting out'' : le passage à l’acte n’est pas la cause du dysfonctionnement familial, mais une de ses conséquences. Elle nous aide à comprendre le lien entre les différentes compréhensions systémiques des passages à l’acte ; elle met en évidence l’importance de la dynamique de bienveillance et d’une approche collaborative pour retrouver les compétences relationnelles entre la maman et son fils. Et c’est par un questionnement orienté solution que l’apaisement pourra advenir.

Dossier : Indispensable hypnose

Dominique Megglé nous apprend à repérer et à utiliser les 4 modalités de la transe : transe profonde, légère-moyenne, conversationnelle, invisible. A travers différentes situations cliniques, il souligne notamment comment la relation hypnotique permet d’échapper aux fausses exceptions lorsque celles-ci sont décrites comme de simples moments où les symptômes ont moins d’effet sur les sujets. Comme il le dit : l’hypnose est une jeune fille pleine de promesses.

. Gérald Brassine nous montre comment conduire le travail sur les protections dissociatives chez une femme de 40 ans, avec des antécédents d’abus dans l’enfance, envahie par la peur de sortir de chez elle. Il décrit avec précision une séance qui, grâce a un changement de scénario, permet à cette femme de se libérer d’un syndrome de Stockholm et de retrouver la capacité de faire des choix.

. Stéphane Radoykov et Claude Virot nous rappellent l’importance d’intégrer l’hypnose dans les soins psychiatriques pour que les différents dispositifs thérapeutiques puissent« semer les graines du changement ». Il nous paraît indispensable que, pour le public et les soignants, l’hypnose ne soit pas uniquement associée à l’analgésie, mais soit aussi reconnue socialement comme un processus d’activation du changement en thérapie.]

Espace Douleur Douceur

. Gérard Ostermann.
Edito : Quand l’hypnose parle à l’oreille des cigognes

Michel Dupuet, gynécologue-obstétricien, nous propose une fructueuse illustration clinique de cette thérapeutique incomparable qu’est l’hypnose. Lorsque l’enfant ne paraît pas, tout se bouscule en effet avec son cortège de sentiments négatifs qui s’entretiennent les uns les autres : culpabilité, sentiment d’impuissance, d’injustice, atteinte de l’image de soi et du couple.
. Michel Dupuet a été le premier surpris de ses résultats des plus prometteurs, tout en affirmant avec modestie qu’il est peut-être prématuré de penser que les cas d’infertilité décrits et solutionnés par l’hypnose sont la preuve irréfragable de l’action exclusive de cette technique dans les problèmes de fertilité. Michel Dupuet espère seulement que dans les mois qui viendront ses confrères gynécologues, les centres de PMA intégreront l’hypnose dans leur panel thérapeutique. Malheureusement la crainte vivace dans l’inconscient médical du détournement de clientèle freine encore la collaboration. Pourtant 4 000 stérilités inexpliquées par an ouvre un vaste champ d’action.


. Muriel Launois, ergothérapeute, nous invite à ''Explorer ce qui est bon pour soi''. Dans un monde survolté, où le stress nous fait croire à la performance alors qu’il empêche en fait de goûter la vie, Muriel Launois nous propose d’être attentif à nous-même pour redécouvrir la vraie signification de l’écoute et de la communication avec le réel. Elle nous invite à être dans l’ouvert, sensible à ce qui est. C’est une attitude de vie. Il n’y a rien à atteindre, à obtenir, à devenir. Il s’agit simplement de perdre ses prétentions ; tout est déjà là en amont de notre être en-deçà de nos pensées, soucis et émotions.

Véronique Laplane, médecin pédiatre, nous indique la voie pour ''Ne plus avoir peur chez le pédiatre''. Les enfants sont d’excellents candidats à l’hypnose ! L’hypnose s’appuie sur l’imagination, or chacun sait qu’en la matière les enfants sont rois ! Pour eux, l’imaginaire est réel du moins jusqu’à un certain âge. Ils sont tour à tour dragon, princesse ou chevalier et ont intacte en eux la magie du « comme si »... L’hypnose ne doit pas être vue comme une solution magique, mais comme une méthode complémentaire aux techniques de communication, de réassurance et de préparation mentale.


Rubriques :

. Stefano Colombo et Mohand Chérif Si Ahmed : Quiproquo « Indispensable »
. Adrian Chaboche : Les champs du possible : ''Vous dansez ?''
. Nicolas d’Inca : Culture monde ''Voyage chamanique au son du tambour''
. Sophie Cohen : Bonjour et après ''Corinne et ses peurs''
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