Gérard OSTERMANN et Micheline CLAUDON

Revue Hypnose & Thérapies Brèves n°53

Les émotions jouent un rôle prépondérant pendant toute notre vie. C’est une constatation et il n’y a aucun doute à ce sujet. Les personnes en général joyeuses, détendues, enthousiastes sont déclarées heureuses même si les conditions dans les- quelles elles vivent sont modestes. Dans la vie de tous les jours, nous sommes amenés à changer régulièrement de contexte relationnel, ce qui suppose des capacités d’ajustement.

Cette adaptation est directement en lien avec notre vie émotionnelle. Les compétences émotionnelles désignent la capacité – mise en pratique – à identifier, à comprendre, à exprimer, à accueillir et à utiliser ses émotions et celles d’autrui. Elles jouent un rôle essentiel dans la santé mentale, la santé physique, la performance au travail et les relations sociales. Les émotions signalent qu’il existe un écart entre ce que le sujet perçoit de la relation et la manière dont il voudrait que celle-ci se déroule.

Par exemple, l’anxiété qu’il ressent lui signale que la relation à l’autre manque de sécurité et qu’il doit aller chercher dans sa propre expérience les ressources nécessaires pour interagir différemment.

Cette compréhension des émotions comme signal d’ajustement de nos relations nous amène à percevoir que toutes les émotions sont bonnes, même si elles sont pénibles. Dans de nombreux ouvrages traitant des émotions, il est fait référence à des « émotions négatives » : l’anxiété, la peur, la tristesse, la colère. Ce qualificatif de « négatif » nous paraît être une erreur anthropologique. En effet, il nous empêche de percevoir le sens de chaque émotion comme un appel à une ressource dont le sujet a be- soin pour se réinsérer dans un processus évolutif. Toutes les émotions devraient être considérées comme positives, bien que certaines soient désagréables, car elles nous permettent toutes, quand elles sont accueillies, de reprendre contact avec nos histoires ressources. Nous pouvons alors parler de l’existence d’un processus de dissociation-réassociation. L’émotion est un signal qui est donné au corps et au sujet qui est en train de s’éloigner d’une zone de ressources.

C’est à partir du moment où l’on s’éloigne de ces zones de vie que l’on ressent l’émotion. Les neurosciences nous démontrent aujourd’hui que l’émotion est là pour nous préparer à l’action et retrouver l’expérience de vie qui est derrière.

Pendant de très nombreuses années, les émotions avaient mauvaise presse, même si les écrits de Sophocle, ou même plus récemment de Shakespeare, faisaient d’elles le guide incontestable de nos vies. Aujourd’hui, les émotions occupent le devant de la scène dans les médias comme dans les publications scientifiques et nous étudions l’influence réciproque de l’émotionnel et du cognitif. Le terme si répandu voire galvaudé de « gestion des émotions » met en évidence cette confusion.

En effet, plutôt que la « gestion » qui donne au cognitif une place primordiale, il nous semble plus juste d’apprendre à distinguer parmi les émotions que nous ressentons celles qui nous sont propres de celles que nous avons ressenties dans les premiers échanges avec nos figures d’attachement. Ce ne sont pas les mots qui font la maladie, c’est le poids émotionnel que véhiculent ces mots. Bien sûr, cela passe par des mots, mais ce n’est pas le mot en lui-même, ce n’est pas le concept qui va construire, c’est ce qui l’a cristallisé autour de cela, fait de menace(s) et d’angoisse(s), de déception et d’impuissance.

Le mot n’a pas la même connotation affective pour chacun d’entre nous. Par exemple, le mot vin n’a pas la même connotation affective pour ceux qui s’amusent à boire un peu de vin de temps en temps en faisant la fête avec des amis, ou pour ceux pour qui le vin représente une tragédie, un problème difficile de leur existence.

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