Confinement: Corps Emotions et représentations psychiques.

Dr Bruno DUBOS
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Dr Bruno DUBOS.

En cette période particulière, que les médias et peut-être plus tard les historiens nommeront « le grand confinement », les thérapeutes que nous sommes se retrouvent au coeur d’une situation inédite tant sur le plan psychologique que sur le plan social.

Les regards sur le processus dans lequel nous sommes tous impliqués sont bien évidemment multiples. De plus, il est bien trop tôt pour faire des observations « a posteriori » car ce processus chaotique, traumatique à de nombreux égards, est loin d’être arrivé à son terme.

La communauté des soignants sensibilisés à l’hypnose est vaste et les champs d’interventions très nombreux. Force est de constater que tous et toutes ont dû faire preuve de créativité. Une créativité pour eux-mêmes dans des contextes difficiles où la mort est omniprésente, et pour leurs patients et patientes confrontés également à cette expérience particulière du confinement. Il est évident que nous ne sommes pas tous égaux vis-à-vis des effets qui découlent de l’impossibilité de « vivre comme avant ». Les prédicateurs scientifiques et médiatiques y vont déjà tous de leurs analyses et de leurs prédictions pour « le monde d’après ». Très modestement, je me contenterai de vous livrer quelques observations dans « l’ici et maintenant ».

La grande majorité de mes patients se sont retrouvés dans un état d’arrêt aigu et brutal

La grande majorité de mes patients et de mes patientes se sont retrouvés dans une situation d’arrêt, non pas telle que nous la connaissons dans les processus chroniques, mais plutôt dans un état d’arrêt aigu et brutal. Tous et toutes n’y ont pas fait face de la même façon, qu’ils soient seuls, en couple ou en famille. Les solutions qu’ils et elles ont mis en place, le plus souvent dans l’urgence, sont à mon sens tout à fait éclairantes et riches d’enseignement pour notre pratique et nos intentions thérapeutiques, et pas seulement dans le contexte particulier du confinement, mais de façon beaucoup plus générale, dans nos thérapies du quotidien. Notre système de référence en matière de psychologie a toujours considéré que le psychisme et le monde des représentations (nos systèmes de valeurs, nos croyances, nos pensées, etc.) est au centre de notre système relationnel : c’est notre monde des représentations qui nous permet de penser et d’être en relation avec le monde qui nous entoure, à être en lien avec notre corps et ses sensations, et avec les autres humains proches et moins proches. Nos efforts thérapeutiques, en suivant cette référence, doivent donc se focaliser sur le monde des représentations psychiques de nos patients et les émotions qui y sont associées. Bien avant le confinement et l’irruption du « virus à couronne » dans notre vie, ma pratique de l’hypnose m’avait amené à me poser des questions sur la validité exclusive de ce modèle. Et si le corps était le premier activateur de nos émotions et le premier « système de référence », le premier support pour nos représentations psychiques ? De même, notre corps ne serait-il pas l’interface qui nous permet de penser le monde qui nous entoure et nous permet de rentrer en relation avec les autres et ainsi de « penser cette relation aux autres » ?

La situation du confinement, promoteur de transes d’alerte et de transe négative

Revenons à mes patients et à mes patientes. L’intérêt ici n’est pas d’observer les effets du confinement sur leurs problématiques émotionnelles et relationnelles, mais bien d’observer les solutions qu’ils et elles ont mis en place et les effets de ces solutions sur leur confort émotionnel, relationnel et corporel. Nous connaissons tous le concept de la transe négative. C’est une constante en terme d’état pour l’ensemble des patients et des patientes que nous sommes amenés à rencontrer dans notre quotidien de thérapeute.  La situation du confinement n’est qu’un contexte supplémentaire, promoteur de transes d’alerte et de transe négative. J’ai vite constaté, et ce dès les premiers moments du confinement, et bien sûr par la suite, que certains de mes patients et de mes patientes trouvaient, malgré des enjeux relationnels et émotionnels préexistants, des solutions pour installer de la ré-assurance et de la stabilité émotionnelle de manière plutôt autonome : ils ont peu sollicité mon aide, ou ils ont différé les séances pendant plusieurs semaines. D’autres, en revanche, furent très demandeurs de séances, que j’ai réalisées par vidéo du fait de l’impossibilité de déplacement ou du fait de l’éloignement. Le constat est tout à fait remarquable. Tous et toutes étaient dans des états émotionnels difficiles, alimentés par des représentations psychiques d’insécurité. Tous et toutes étaient dissociés, dans l’incapacité d’être en relation avec leurs sensations corporelles. Certains et certaines étaient même en situation d’alerte anxieuse « sympathique » voire en situation d’« effondrement parasympathique », selon la lecture de Porges. Ces patients et ces patientes avaient mis en place des solutions inefficaces et dissociantes : parler de leurs problèmes des heures durant avec leur entourage, rester à l’arrêt corporel dans une pièce, à regarder en boucle la télévision ou des séries, « pour se changer les idées », sans grand succès.


BRUNO DUBOS Médecin psychiatre à Rennes. Il travaille avec l’hypnose ericksonienne, les thérapies brèves et les thérapies systémiques depuis 1991. Formateur et superviseur, ses travaux ont fait l’objet de plusieurs communications dans les congrès européens et internationaux, ainsi que des publications dans des revues spécialisées. Il est l’auteur d’un livre sur les troubles des conduites alimentaires. Un ouvrage sur les âges clandestins est à paraître en janvier 2020.


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17 jours dans les griffes du Covid-19. Un témoignage d’Olivier Debas, médecin urgentiste, touché par la maladie.

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