Hypnose en anesthésie : une aventure extraordinaire. Sylvie Girardot-Despiau

Revue Hypnose et Thérapies Brèves 42
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En tant qu’infirmière anesthésiste, je travaille au sein d’une équipe d’hypno-anesthésie en chirurgie à Lyon. Voici un témoignage du vécu d’un accompagnement en hypno-anesthésie pédiatrique au bloc. Pour découvrir mon travail, je vous emmène vivre l’expérience de Roman. Au fur et à mesure de l’intervention, vous trouverez les explications de la mise en place du processus hypnotique. Voici son aventure.

Roman, 8 ans, CE2. Centres d’intérêt : les jeux vidéo « dans le passé ou dans l’avenir », le cheval. Il est visuel. Il s’agit d’une hospitalisation en ambulatoire. Acte chirurgical : kyste de la queue du sourcil droit, patch de crème anesthésiante. Site opératoire sur le haut du visage. Protocole : hypno-anesthésie et anesthésie locale. Prémédication : aucune. Durée : 40 minutes.

Pour des raisons d’organisation, je découvre Roman en salle d’opération. Nous prenons le temps de faire connaissance tout en respectant le timing opératoire. Les patients sont déjà dissociés quand ils arrivent au bloc. L’induction flash est très utilisée. Je propose à Roman de choisir son jeu dans le passé ou le futur tout en fermant les yeux : « C’est plus simple pour voir quand on est à l’intérieur. » Roman choisit le passé. Pendant l’induction hypnotique, je lui énonce « les précautions d’usage » : « Tu peux entendre des bruits, les oublier ou simplement les mettre dans ton histoire. Si on te parle, tu peux répondre et retourner encore mieux dans ton histoire. Et pendant ce temps, nous continuons à t’installer. Seule ma voix t’accompagne, tu peux transformer mes mots, et retenir ce qui est bien pour toi. » Etre rassurant dans le timbre de voix, c’est être confiant dans ce qui se passe.

Je l’invite à prendre son temps pour choisir sa tenue, celle qui lui convient le mieux pour vivre cette aventure. « Un haut noir avec un pantalon marron » ; « Parfait. » Toujours valider ce que le patient nous apporte. Je lui propose d’être accompagné de son cheval préféré puisqu’il aime les chevaux. Roman acquiesce de la tête comme si c’était naturel pour lui.

« Peux-tu me le décrire ?

- Il est marron clair.

- Très bien, la bonne couleur... Vous vous promenez tous les deux… lorsque vous êtes dans un endroit que tu as choisi… Peux-tu me faire un signe d’un doigt de la main ? »

Mise en place du signaling. Roman bouge un doigt.

Les temps de silence éveillent la curiosité, stimulent l’imagination et je les utilise sans modération dans ma façon de parler. C’est dans les temps de silence que le travail hypnotique se fait.

« C’est bien... et… silence... Où êtes-vous ? 

- Dans une forêt.

- Parfait… Vous vous promenez et tu sens comme ton cheval est content que tu sois avec lui. Il est fier d’être avec toi... C’est tellement rassurant d’être avec son ami. » 

Si l’enfant a un animal de compagnie, lui proposer de l’encourager et de le rassurer : cela lui donne de l’importance et il se rassure lui-même.

Changement du ton de la voix, posée, plus lente et calme.

« Ton cheval a confiance car il sait que tu le protèges et cela lui donne de la force… silence... vous vous promenez dans la forêt… Tu peux lui parler à l’oreille, car tu sais les mots... Elément de surprise... Tu parles le langage des chevaux. » Les globes oculaires bougent sous les paupières de Roman. La transe est installée.

Pose de la Voie Veineuse Périphérique : ratification de la transe. Roman est impassible. « Les animaux s’arrêtent pour vous regarder passer... vous êtes beaux tous les deux. »

Chez l’enfant, la succession de temps rapides et lents renforce la transe hypnotique. Le rythme de la voix et l’intonation donnent de la force au récit et ratifient ce que l’enfant est en train de vivre.

« Il y a des écureuils, des biches et... comme c'est agréable de se sentir bien... Et puis... que faites-vous ?... Il y a des chasseurs qui se font attaquer par des chasseurs méchants. » Tenir compte des images que le patient emploie spontanément. Et toujours rebondir. « D’accord, c’est vraiment extraordinaire d’avoir un cheval comme ami. Demande-lui de t’emmener loin dans ton endroit de sécurité. Tu lui parles dans son oreille… voilà… et tu lui dis de courir très vite. Les chevaux courent très vite. » Truisme.  

Accélération de la voix, très rapide, pour donner l’impulsion de partir loin du danger qu’il énonce à mi-mots, sentiment de protection et de capacité à quitter cette situation. « Tu te tiens bien... Focalisation de l’attention... et il part très vite... tellement vite que ton visage est mouillé un peu comme quand on a très chaud… » Asepsie du visage. Mise en place du champ opératoire.

Le chirurgien se prépare pour l’anesthésie locale : partie la plus désagréable.

 

Sylvie GIRARDOT-DESPIAU, Infirmière Anesthésiste. Formée à l’IFH à Paris et au CEFACT à Saint-Etienne. Anime à l’IFH et à l’IMELyon des formations en Hypno-anesthésie avec le Dr Don Pierre Giudicelli.

 

 

Editorial « En mouvement ». Sophie Cohen

Chères lectrices et chers lecteurs, c’est avec grand plaisir que j’ouvre le numéro 42 de notre revue « Hypnose et Thérapies Brèves ». Je profite de cet espace pour saluer le travail effectué par mes prédécesseurs et remercier Daniel Renson qui me confie la direction de la Revue.

 

Traiter l'insomnie. Dr Daniel Quin

Script complet d'une séance d'hypnose. L’insomnie concerne un adulte sur cinq et atteint plus sévèrement 10 % de la population de la plupart des pays étudiés. Elle est plus fréquente chez la femme et augmente avec l’âge. Le recours aux soins des insomniaques est relativement faible puisque plus d’un insomniaque sur deux n’a jamais discuté de son problème avec son médecin.

 

Constellation ericksonienne au Mexique. Cecilia Fabre

Traitement de l'anorexie chez une fille de 12 ans. Cecilia Fabre, au travers de la résolution d’un cas d’anorexie, nous montre comment elle intègre les techniques inspirées des constellations familiales développées par Bert Hellinger à la psychothérapie ericksonienne. Elle se base sur ce que Teresa Robles nomme la psychothérapie ericksonienne reposant sur la Sagesse universelle.

 

Les soins infirmiers. Nathalie Jammot

C’est avec beaucoup de plaisir que je coordonne ce premier dossier thématique consacré à la pratique de l’hypnose en soins infirmiers, sujet choisi par Sophie Cohen. Je tiens d’ailleurs à la remercier ici pour son accueil chaleureux dans cette revue tout comme pour son aide dans l’élaboration de ce travail mené conjointement.

 

La recherche en douleur chronique. Martine Quintard

Martine Quintard nous invite à poser un autre regard sur le syndrome algodystrophique avec un traitement qui intègre l’hypnose. Elle met en avant la place des émotions. Un projet de recherche innovant et porteur... Depuis 2007, nous avons développé au CHU de Toulouse la pratique de l’hypnose pour la prise en charge du syndrome douloureux régional complexe, plus connu sous son ancienne dénomination d’algodystrophie.

 

La vie vivante jusqu'au bout. Ute Hohloch

Etre soignant en soins palliatifs, c’est être en permanence à l’école du Respect et de l’Humilité, du Non-Jugement et de la Non-Interprétation. C’est apprendre et comprendre les notions de « total pain ». Cicely Saunders a la première décrit le caractère multidimensionnel de la douleur du mourant. Cette « souffrance totale » en fin de vie est à la fois physique, psychologique, sociale et spirituelle.

 

Soins de support, la pratique d’un infirmier en cancérologie. Rémi Etienne

L’annonce d’un cancer provoque chez la personne un important bouleversement existentiel. La pratique de Rémi en qualité d’infirmier lui permet d’accompagner les changements les plus accessibles aux patients. Les récents progrès en matière diagnostique et thérapeutique contribuent à améliorer le pronostic des malades. A ce jour, chaque projet de soins proposé au patient est personnalisé et dépendant de nombreux paramètres, tels que : le type histologique de la tumeur, sa localisation, sa vitesse d’évolution, son extension à d’autres organes, la présence de comorbidités associées…

 

De la bienveillance au "prendre soin": Erickson encore et toujours. Janine CarpentierLa réflexion autour de sa posture professionnelle a amené Janine à développer un « savoir-être » infirmier. Elle nous transmet ici tout le respect et l’humanité avec lesquels elle accompagne les patients en gériatrie. Infirmière expérimentée et déjà en fin de carrière, j’exerce en gériatrie depuis vingt-cinq ans. Après un DU de psycho-gérontologie, je me suis sensibilisée au toucher relationnel puis j’ai poursuivi par une formation en hypnose ericksonienne et thérapies brèves à Brive-la-Gaillarde au sein de l’association ACTIIF.

 

Une laverie communautaire. Nathalie de Marville

Raconter des histoires, se poser dans un bois sur une couverture, découvrir de nouvelles possibilités... Ou comment ma pratique professionnelle s’est transformée. A l’image d’une laverie communautaire avec l’extension des programmes adaptés à chaque type de linge : froissé, décoloré, déchiré... Il arrive un moment dans sa carrière où le travail devient une routine. Le savoir est installé et c’est un peu comme si l’on n’avançait plus. Vient alors un désir, une envie de cultiver un nouveau jardin, ensemencer de nouvelles graines, pour les faire naître et redonner du sens à une vie professionnelle.

 

L'Hypnose: confort patient-thérapeute. Audrey Weidmann

La pratique de l’hypnose dans les soins infirmiers à domicile est un complément très apprécié par les patients – qui se retrouvent sous hypnose conversationnelle sans le savoir ou en séance formelle – autant que par le soignant qui y voit aussi, je vous l’avoue, ses avantages.
Elle nous permet de faire des pansements sans aucune difficulté, de faire une injection sans créer un inconfort nuisible pour celles à venir, d’enlever des fils à un enfant sans passer sa matinée à trouver un moyen de le calmer, donc de façon générale de gagner un temps précieux. Mais elle nous sert également dans un contexte bien plus particulier, celui du patient chronique qui vit seul avec ses angoisses.

 

Une écoute attentive et du sourire. Nathalie Saliou

L’hypnose a changé mon regard sur ma vie, ma famille et mon entourage. L’art d’utiliser l’imaginaire créatif du patient est extraordinaire, riche en émotions et avec des résultats rapides : cicatrisation, confort, sérénité…Infirmière à domicile depuis vingt-six ans, j’ai toujours été sensibilisée à la relation soignant-soigné.

 

« Docteur, j’ai un problème… » Dr Stefano Colombo

Il ne manquait plus que ça ! Les patients ont vraiment du culot. Vous dites : « toupet » ?
Oh ! ne commencez pas à me poser des problèmes ! Le mot « culot » ne vous convient pas ? Remplacez-le par toupet, témérité, impertinence, hardiesse. Le mot a beau changer, la substance reste la même. Nous médecins, nous avons déjà assez de problèmes : horaires sans fin, vie de famille virtuelle, urgences jour et nuit, responsabilités sans frontières, pressions des pharmaceutiques, des politiciens, des assurances.

 

La technique Alexander. Dina Roberts

Rencontre avec Matthieu Gaudeau et la technique Alexander. Dina : Qu’est-ce que la technique Alexander ? Matthieu : Elle appartient au champ des techniques d’éducation somatique et s’appuie sur un travail de l’équilibre postural. Elle considère l’être humain dans sa globalité, affirmant que l’ensemble corps-pensée-émotion constitue un tout indissociable, en perpétuelle interaction. Elle propose de faire l’expérience de la cohérence d’un geste équilibré et coordonné, condition nécessaire au relâchement des tensions et à l’apprentissage d’un équilibre général.

 

Les cartes postales de mon enfance volent dans le ciel. Sophie Cohen

Les cartes postales de mon enfance volent dans le ciel. Je ne les vois pas... Je les entends.
Les entendez-vous ? Attirée par le son... ma main veut tenir... tout mon être se tourne avec curiosité... Ma peau écoute, mon cœur cherche... Mes oreilles s’ouvrent... D’où vient le son... Le son des cartes postales de mon enfance. Je suis là et mes petites mains tiennent cette merveille... Une carte avec un petit caneton... Jaune, duveteux, avec un bec rosé... Il semble me regarder.

 

Pas de côté hors temps et à travers le temps. Christine Guilloux

Tenus en haleine, depuis le numéro de mai, pour visiter l’un des ouvrages de Nuccio Ordine, l’un des meilleurs spécialistes mondiaux de la Renaissance et de l’œuvre du philosophe Giordano Bruno : « L’utilité de l’inutile : Un manifeste ». Parcours du combattant pour accéder à ce petit ouvrage, d’abord indisponible chez le libraire, parallèlement subtilisé par un lecteur rapiat à la bibliothèque municipale. Il se fait désirer, ce manifeste.

 

8e Colloque de l’AFEHM à Paris : « Hypnose et phobies ». Dr Grégory Tosti

Le samedi  21 mai 2016 s’est tenu à Paris le 8e Congrès de l’AFEHM, ayant pour thème cette année « Hypnose et phobies ». Tout au long de cette journée, le Dr Jean-Marc Benhaiem et son équipe ont mis en évidence que l’on retrouve dans le traitement de la phobie par l’hypnose l’essence même de ce qui constitue la thérapie par l’hypnose, à savoir la fin de la mise à distance du patient avec sa peur, la réintégration de tous les éléments de sa vie pour, à nouveau, appartenir à un tout, se fondre à nouveau dans cette « circulation universelle » que décrit si bien Hegel.

 

Interview du Dr Bruno Dubos. Dr Gérard Fitoussi

« L’hypnose est un art thérapeutique, et comme dans toute démarche artistique, il faut de la créativité ». Bonjour Bruno ! Peux-tu nous parler de ton parcours personnel ? Bruno Dubos : Je me suis formé à l’hypnose en 1990, durant mon internat de spécialité en psychiatrie. J’ai rapidement exercé en cabinet libéral, car il me semblait difficile de travailler dans un cadre institutionnel. La pratique de l’hypnose thérapeutique nécessitant de la souplesse dans les modalités d’intervention auprès des patients, il me semblait impossible de composer avec les contraintes de l’institution psychiatrique.

 

Hypnose, Science et Recherche. Dr Adrian Chaboche

Cette rubrique naît de la volonté de nous (in)former en partageant les découvertes et travaux récents ou remarquables. Depuis une quinzaine d’années, l’intérêt scientifique porté à l’hypnose est proportionnel à sa notoriété renouvelée. Il n’est pas sans rappeler le nombre d’hôpitaux et de soignants qui utilisent l’hypnose au quotidien et les demandes sont exponentielles. Mais dès le XVIIIe siècle, et les deux commissions nommées par Louis XVI soldées par l’éviction du magnétisme animal de la scène médicale, hypnose et science n’ont cessé de débattre de leurs liens partagés autant que de leurs divergences.

 

Eloge du Hamac. Dr Patrick Bellet

Hamac. Hamac. Quel son, quel élan ! Si tu l’as lu vite, alors recommence. Plus lentement. Aspire le H et souffle ensuite. Ça y est, il oscille, il se balance. Ecoute le chant du hamac. Une sorte de battement lent et souple. Feutré, rond et grave. Une houle de terre avec les subtils arômes de l’été comme écume. Il a deux boucles, son corps est flexible, élastique, et quand l’été revient, accroché à l’ombre entre deux arbres, il s’étire et se creuse. Avec les tilleuls comme points d’amarrage, en apothéose de la sieste.

  

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